Jeudi 6 Décembre, l’amicale des locataires Zac 1 et 2 proposait aux habitants de la Courneuve une deuxième rencontre-débat avec Mr Roseinczweig, président du tribunal pour enfants de Bobigny, sur le thème de l’autorité et la responsabilité parentale.
La rencontre s’est ouverte sur une allocution de Mme Prisque Nkuni, responsable de l’amicale des locataires et initiatrice de la rencontre. Puis Mr Roseinczweig a réagi aux différents points soulevés par Mme Nkuni, en développant toute une réflexion autour des problématiques liées à l’exercice de la parentalité.
Mr Roseinczweig a dabord redéfini la notion d’autorité parentale, en la distinguant de celle de responsabilité parentale car la notion de responsabilité parentale prime sur celle d’autorité parentale, qu’elle englobe par ailleurs.
Lorsqu’un parent se trouve confronté aux problèmes évoqués par Mme Nkuni, problèmes que le juge rencontre depuis plus de 40 ans même s’ils ont aujourd’hui une acuité et une résonnance plus forte, la première réaction est une réaction d’autorité.
Or les châtiments corporels ne sont pas une réponse mais un aveu de faiblesse.
Et bien qu’à ce propos, la notion de « norme » soit parfois différente suivant le point de vue adopté, loi de la république ou coutume et traditions familiales (cf, la sévérité inappropriée des punitions corporelles dans certaines familles africaines), il convient de se rappeler que la discipline entraîne des contraintes, et que toute démarche pédagogique s’établit sur des règles.
- Qui est titulaire de la responsabilité parentale ? Quel en est le contenu ?
La société, en déléguant cette responsabilité aux parents, présume que ceux-ci sont les mieux placés pour élever leurs enfants. Le lien de sang est ainsi subordonné à sa fonction de responsabilité parentale. La société donne à ces parents un pouvoir de contrôle pouvant aller jusqu’à la gifle ou la fessée, contrairement à certains pays européens dans lesquelles les châtiments corporels sont interdits.
Les parents doivent veiller cependant à respecter un certain équilibre et ne pas tomber dans les excès du mode prohibitif et punitif.
- Qui est a priori capable de tenir ce rôle?
Le juge rappelle que les parents le sont prioritairement, bien qu’il y’ait redéfinition du modèle parental.
En effet, 78 000 enfants sur 810 000 naissances annuelles, naissent sans père légal.
Les bouleversements sociologiques, liés à l’effondrement des cadres sociaux traditionnelles, ont entraîné de nouvelles problématiques avec l’émergence de nouveaux types de familles (monoparentales par exemple), et mais aussi de couples.
Le débat sur l’homoparentalité en est la représentation la plus emblématique : si l’ensemble des français sont en majorité pour le mariage entre personnes du même sexe, la plupart semblent réfractaires à l’idée que leurs droits s’étendent à l’adoption.
La notion de « contractualisation de l’enfant » est le problème éthique sous-jacent : l’éventuelle prestation de service d’une mère porteuse, est notamment mise en cause.
Enfin, le juge souligne à nouveau l’importance de la responsabilité parentale : lorsqu’une séparation advient, le couple conjugal s’arrête mais le couple parental lui perdure. La coresponsabilité parentale survit à l’extinction du couple.
Peut-on exercer la responsabilité parentale sans vivre avec l’enfant ?
La réponse du président du tribunal de Bobigny pour enfant est sans appel : Oui. L’implication du père de famille qui est, par exemple, éloigné pour des motifs professionnels et auquel on transmet des informations concernant la santé, la scolarité de l’enfant en sollicitant parfois son aval, n’est pas remise en cause.
L’autorité parentale abolit la distance. C’est aussi le cas du père séparé.
Cette situation d’exercice de l’autorité/ responsabilité parentale à distance est de plus en plus fréquente, car ce siècle d’émancipation pour la femme a été le théâtre de nombreuses mutations sociétales, telles l’avènement du mariage d’amour, au détriment du mariage le plus souvent endogamique, basé sur l’intérêt économique. Ces mutations ont entraîné une déliquescence des liens du couple.
Partant de la double volonté d’adapter la loi et de la vulgariser, Mr Roseincweig a fait une proposition de loi que le gouvernement a rejeté. Il s’agissait de l’adoption du statut du tiers, qui aurait permis à une personne n’étant ni la mère, ni le père de l’enfant, d’exercer dans un cadre donné une responsabilité parentale.
Cette personne aurait été autorisée à exercer des actes usuels, les actes non usuels comme les sorties de territoire et les actes médicaux, étant réservés aux parents détenteurs de l’autorité parentale.
L’adoption du statut du tiers aurait probablement évité cette controverse, en aboutissant à une reconnaissance partielle de l’homoparentalité.
Mr Roseinczweig souligne également l’importance de la culture en sa qualité de composante historique essentielle, en rappelant par exemple que la Parole avait une place qu’elle n’a plus aujourd’hui. Le dialogue intergénérationnel, remplacé par des écrans dont nous sommes captifs et qui nous isolent, tend à disparaître. D’où la difficulté parfois de restituer l’histoire familiale.
A cette rupture s’ajoute parfois l’opacité des trafics de filiation et autre manipulation des identités, plusieurs enfants arrivant en France avec de faux actes de naissances, liés à l’histoire de certains enfants issus de l’immigration.
Une intervenante note que cette dimension reste toutefois anecdotique, le vrai problème étant la difficulté de conjuguer pour ces Français issus de l’immigration de conjuguer avec sérénité deux héritages culturels, qui s’opposent parfois.
- Comment faire autorité sans violence ?
Les enfants doivent avoir le sentiment que cette autorité leur est bénéfique. C’est le principe d’autorité juste. Le juge Roseinczweig reconnaît que les parents ne sont pas forcément démissionnaires mais pour la plupart sont « démissionnés par les circonstances de la vie », ce qui dans ce contexte les rend moins aptes à exercer correctement leur rôle de parents.
Beaucoup ont, par exemple, une mauvaise maîtrise des fonctionnements de l’éducation nationale et ce sont, en effet, les enfants d’enseignants qui ont les meilleurs taux de réussite dans les études.
Il est important de ne pas « crisper » l’enfant, en exerçant sur lui pressions inutiles.
Et s’il est vrai que le rapport de l’école à l’éducation appartient au domaine des pratiques culturelles familiales, le réseau d’aide à la parentalité est tout aussi important et peut pallier à certaines défaillances.
- Quels moyens ont les parents issus « des quartiers » de protéger leurs enfants de la drogue ?
Aujourd’hui la drogue est un maillon de l’économie souterraine de ces quartiers, et résoudre le problème de la drogue ne réglera pas pour autant celui du trafic car d’autres trafics viendront aussitôt supplanter celui de la drogue (celui des organes, par exemple…)
Des moyens policiers conséquents doivent être mis en place avec le soutien de la population, afin d’engager une luette s’inscrivant dans la durée car cette économie parallèle soutient souvent, avec ses importants réseaux de circulation d’argent, les quartiers.
Une coordination efficace est nécessaire car c’est un problème d’envergure nationale, et pas forcément locale.
Les réseaux associatifs, les services publics, l’état et les parents ont la responsabilité conjointe d’exfiltrer les enfants qui approchent ces milieux avant qu’ils ne soient pris dans un irrémédiable engrenage.
De plus, il est fondamental de développer le modèle économique des quartiers car là réside la réelle solution à l’emprise des cartels de la drogue.
Eugénie Lobe
Médiatrice sociale et culturelle
Association Synergie-Plus