Samedi 9 mai 2015 – La Courneuve
Dans le cadre des rencontres « Café Parents », l’association Coparenf (Collectif de parents et d’enfants contre le décrochage scolaire) proposait un débat avec Mme Fatma Bouvet de la Maisonneuve, à la Maison pour tous Youri-Gagarine, à partir de la problématique suivante :
- quelles sont les solutions pour retrouver une dynamique de réussite lorsque votre enfant, souffrant d’un trouble de dyslexie, d’hyperactivité, d’anxiété scolaire ou de précocité, se trouve stigmatisé à l’école ?
- qui consulter ?
- qui est le (la) meilleur(e) spécialiste à rencontrer ?
En préambule
Nous avons été chaleureusement accueillis par Mme Hania Mestour, directrice de la Maison pour tous (MPT) : « Cette rencontre est l’occasion de vous informer que la MPT deviendra officiellement un centre social, le 1er septembre 2015, autour des projets liés à la famille et à la parentalité. » Rappelons que la MPT est un lieu d’accueil et d’accompagnement culturel, éducatif et social ouvert à tous, situé dans le quartier des Quatre-Routes (56, rue Anatole-France).
« L’objectif de cette rencontre-débat est de discuter de tous les maux qui peuvent influer sur la scolarité des enfants », prévient en guise d’introduction Mme Céline Evita, bénévole à Coparenf et animatrice du débat. Mme Prisque Nkuni prend la parole : « L’objectif de notre association est la réussite scolaire des enfants, intervenir sur la parentalité, faire le lien entre les parents et les enseignants […]. Mais j’ai un grand souci, poursuit-elle, devant certaines situations particulières rencontrées par des enfants et leurs parents qui, souvent désemparés, ne connaissent pas les structures pour les aider. Pourtant il existe des outils pour leur venir en aide. »
Mme Prisque Nkuni présente ensuite deux bénévoles précieuses de Coparenf : Mme Laurence Clémenti, référente Famille de Coparenf, et Mme Gaëlle Guernalec-Levy, journaliste à Parents pendant dix ans, blogueuse spécialiste de l’éducation (Enfances en France), qui est chargée de l’alphabétisation des parents et enfants adhérents de l’association.
A noter : Mme Zaïnaba Saïd-Anzum, conseillère départementale de la Seine-Saint-Denis et maire-adjointe de La Courneuve en charge des Transports et des déplacements urbains, ainsi que Mme Danielle Rudent-Gibertini, conseillère déléguée à la Promotion de la vie associative, ont assisté à l’intégralité de la rencontre-débat.
« La France est en retard
sur certaines questions médico-éducatives »
Mme Fatma Bouvet de la Maisonneuve a tout d’abord remercié M. Stéphane Troussel, président du Conseil général de Seine-Saint-Denis et maire-adjoint aux Finances locales à La Courneuve, d’être venu rendre une visite de courtoisie.
Elle commence : « En tant que médecin, psychiatre et addictologue, je me suis consacrée à ce qui me passionne : la santé psychique des femmes et la dépendance/addiction des femmes, des hommes et des enfants ». Au cours de ses consultations, elle a réalisé que « les femmes étaient doublement démolies : la Santé nationale culpabilise les mamans dont les enfants seraient atteints d’une “maladie” ; l’Education nationale reproche aux mamans le comportement de leurs enfants ». Elle dénonce ainsi l’attitude du « corps médical et du corps enseignant : deux corps de savoir auxquels les parents sont assujettis ». Suit une présentation de son livre Enfants et parents en souffrance (Editions Odile Jacob) pour lequel, notamment, Coparenf l’a remarquée et invitée.
La préface de son livre est explicite : « Pour que les enfants de France soient respectés et qu’aucun ne reste sur le bord de la route. » Mme Fatma Bouvet de la Maisonneuve part du constat que « la France est en retard sur certaines questions médico-éducatives ». Et elle propose alors « des solutions pour retrouver une dynamique de réussite » lorsque l’enfant souffrant d’un trouble de dyslexie, d’hyperactivité, d’anxiété scolaire ou de précocité se trouve stigmatisé à l’école. Elle considère que « les parents devraient légitimement entendre des réponses à des questions qu’ils se posent légitimement, mais 3
ils trouvent souvent porte close face à des professionnels sachants ». « Le livre a été extrêmement dur à écrire, reconnaît-elle, car je me suis fait énormément d’ennemis parmi les enseignants, [qui] suspectent les psychiatres de charlatanisme ! […] Mais combien y a-t-il de médecins scolaires à l’école ? » C’est en effet les métiers de la santé et de l’enseignement qu’elle interroge « car les parents ont tous peur pour leurs enfants ». « Comment sensibiliser les enseignants aux questions de santé ? », se demande la médecin-psychiatre, avant de préciser que « les enseignants sont plein de bonne volonté mais souvent bridés par leur hiérarchie ». Elle profite d’ailleurs de son intervention en demandant aux deux élues présentes dans la salle de relayer ses propositions ainsi que les doléances des parents émises au cours de cette rencontre-débat.
« J’appelle de mes voeux à réfléchir à la démocratie dans laquelle nous vivons en donnant la priorité à la jeunesse […] La jeunesse est l’avenir de ce pays, alors que les enfants qui ne sont pas dans le moule sont bannis du système ! », déplore Mme Fatma Bouvet de la Maisonneuve. « J’appelle également à ce que les institutions se parlent entre elles, poursuit-elle, citant ainsi « ces affaires de pédophilie [récemment médiatisées] qui ont révélé des carences dans la communication entre ministres. »
La psychiatre a littéralement captivé son auditoire avec un discours clair et précis.
« La dyslexie est un trouble et non une maladie ! »
A propos de son livre, la psychiatre a voulu « présenter des troubles et raconter la souffrance des parents seuls face aux institutions. J’ai pris des témoignages emblématiques des dysfonctionnements institutionnels […] J’ai déjà rencontré des décrocheurs dans l’histoire desquels il y a toujours un rendez-vous manqué, autour de la troisième ». Mais elle rassure tout de suite les parents dont l’enfant souffre d’un trouble : « Il existe des dispositifs adaptés aux problématiques des parents. »
Le débat s’engage alors… « Pourquoi n’existe-il pas un outil pédagogique pour les parents ? » demande une maman, monitrice d’auto-école de profession. Elle témoigne en présence de sa fille : « Ma fille souffre d’un trouble de dyslexie, mais ça ne l’a pas empêchée de sauter une classe ; on lui a trouvé un QI de 141. » Elle ajoute : « On est dans le parcours de la reconnaissance du
Une adolescente dyslexique livre son témoignage. 4
handicap et on a voulu orienter ma fille dans une filière professionnelle… » Mme Fatma Bouvet de la Maisonneuve lui répond : « Il faut toujours prendre au sérieux ce que disent les parents. La dyslexie est un trouble et non une maladie ! » La psychiatre précise que « l’assimilation à un handicap physique est traumatisant pour les parents, surtout lorsqu’on les envoie à la Maison du handicap ».
La psychiatre égrène les solutions déjà existantes dans certains établissements scolaires comme le PAI (Plan d’accueil individualisé) ou encore le PPRE (Plan personnalisé de réussite éducative). Mme Prisque Nkuni s’indigne du manque d’informations sur ces dispositifs. La jeune adolescente dyslexique témoigne de son vécu à l’école et constate également « aucune réponse de la part de professionnels de santé ». Outrée par cette carence, Mme Fatma Bouvet de la Maisonneuve lui conseille aussitôt de « changer de spécialistes ».
Mme Zaïnaba Saïd-Anzum était l’une des deux élues de La Courneuve présentes à l’intégralité du débat.
Pour « une éducation plus inclusive »
La phobie scolaire touche également des enfants. Une mère témoigne du cas de son enfant avant de s’adresser à la psychiatre : « Je conforte ce que vous venez de dire sur “le parent diagnostiqueur” et j’aimerais informer les parents présents que, sur le site internet de l’Education nationale, il y a une page consacrée à la phobie scolaire. » Avant de préciser qu’« il existe des solutions, des contrats passés avec des parents [dont l’enfant souffre d’un trouble], mais on ne nous informe pas de ces possibilités ». La psychiatre se déclare favorable « à un système qui tire les élèves vers le haut, une éducation plus inclusive comme cela existe dans des pays nordiques ». L’occasion pour Mme Zaïnaba Saïd-Anzum, élue de La Courneuve, de rappeler ce slogan de la municipalité qui ne mange pas de pain : « Droit à la réussite pour tous ! »
Au nom des bénévoles de l’association Coparenf, Mme Céline Evita invite à clore ce « Café Parents » très instructif, avant qu’un cocktail ne soit servi dans la bonne humeur dans un jardin attenant la grande salle de la Maison pour tous (photo ci-contre). « Je pense que la réunion de cet après-midi est déjà thérapeutique », insiste Mme Fatma Bouvet de la Maisonneuve, visiblement ravie de cette soirée.
Elle informe également tout le monde qu’« il existe un collectif de 150 associations qui propose un Conseil national pour l’enfance. Et ça fait deux ans que celles-ci se battent, soutenues par la représentante de l’Unicef, mais on leur a répondu que la priorité était donnée aux seniors ! » Affichant un large sourire, Mme Fatma Bouvet de la Maisonneuve invite surtout les parents à rester optimistes et à se battre ensemble.
Mme Nkuni K. Prisque Gisèle Fandy M. Stéphane Miet
Présidente de l’association Amicale des locataires ZAC 1 et 2 de La Courneuve Rédacteur
Fondatrice et Vice-Présidente de l’association COPARENF Membre de COPARENF
(Collectif de parents et d’enfants contre le décrochage scolaire)
5 allée des Tilleuls 93120 LA COURNEUVE
prisquenkunikamena@yahoo.fr Photos : M. Othmane Daf
Tél. 06 13 20 25 15
« Le décrochage scolaire n’est pas une fatalité mais une réalité.
Ensemble, parents, enfants, professionnel(le)s, élu(e)s, attaquons-nous aux causes pour une meilleure prise en charge ! »